Les emballages, ça pèse énormément !


Eco-contributions

Les chiffres sont pharaoniques et donnent le tournis. Ils s’expriment en tonnes, en millions de tonnes ! CITEO, l’éco-organisme en charge du financement de la filière des emballages ménagers et des papiers, enregistrait 5.04 M de tonnes d’emballages ménagers mis sur le marché (soit 90 milliards d’unités) déclarés par ses producteurs-adhérents en 2017(1).

Ce que l’on connait moins c’est le détail des opérations préalables pour obtenir ce chiffre colossal… Entrent ici en jeux les « tâcherons » de la déclaration annuelle des emballages, premiers acteurs impliqués au vaste chantier du traitement de ces déchets. Là, les poids des emballages ne sont pas exprimés en tonnes mais en milligramme et cela donne tout autant le tournis !

Habitué à ce que tout soit emballé on ne prête guère attention à ce que l’on jette. La boîte de gâteaux et ses petits sachets fraîcheur, le chargeur de téléphone enroulé dans sa coque plastique et son support carton le tout rattaché par un lien de plastique, le T-shirt avec son étiquette carton et son Swift plastique, le tube de dentifrice avec sa boîte carton et son opercule aluminium…

L’infortuné confronté à la déclaration des emballages va vite comprendre, lui, le détail d’un emballage promu à la poubelle. On ne lui fait grâce de rien. Chaque élément d’un emballage donné devra être déclaré au millième de gramme près (0.0001 g). Et comme certains emballages comptent jusqu’à 5 voire 6 éléments différents et en presque autant de matériaux (papier, plastique, aluminium, acier, verre ou autre), il faudra détailler les poids de chaque matériau les composant , c’est précis(2) !

Si les poids unitaires des emballages à déclarer sont dérisoires la lourdeur du dispositif, elle, est inversement proportionnelle. A l’échelle d’un grand fabricant ou d’un grand distributeur, ça frise la folie.

Quant à dresser la liste des emballages existants il faudrait plus qu’un inventaire à la Prévert. Bouchons, manchons, capuchons, bouteilles, capsules, opercules, pastilles, filets, coffrets, sachets, ficelles, ailettes, rubans… les petites protections en plastique pour isoler les piles des contacts sur les appareils électriques, le film sur l’écran de téléphone… et toute la panoplie des éléments de maintien, comme les blocs de polystyrène pour caler votre appareil dans la boîte ou le support en plastique thermoformé pour loger chaque élément de votre produit.

Heureusement, toute cette poésie disparaîtra des prochaines éco-déclarations (prévues pour le 1er mars 2019 au titre des éléments mis en marché en 2018) où l’on ne détaillera désormais plus les composants, mais il faudra pourtant bien s’en souvenir si l’on veut respecter l’exhaustivité exigée dans les poids des matières à déclarer pour chaque emballage. Une difficulté supplémentaire pour l’éco-contributeur que l’on ne saurait trop encourager à la réduction de ses emballages, notamment du nombre de composants.

Car maintenant, le vaillant déclarant va devoir entreprendre de retranscrire poids et matières premières de chacun de ses emballages sur (parfois) des kilomètres de lignes Excel ! Et pour ce chantier, Il sera sage qu’il vérifie lui-même au préalable la composition et le poids en l’absence d’informations ou d’informations actualisées transmises par ses fournisseurs. On imagine le travail ! Mais cette opération lui évitera poids erronés, éléments oubliés ou déclarés à tort, et lui permettra des corrections le plus souvent en sa faveur.

La déclaration comprend encore une armada de mesures appelées éco-modulations ou « bonus-malus ». Ces mesures visent à inciter les fabricants à limiter l’impact environnemental de leurs produits mais ils n’en restent pas moins de véritables casse-têtes déclaratifs… A commencer par les justificatifs à produire et donc à obtenir. Opération si phénoménale qu’elle est généralement abandonnée par le déclarant avant même d’avoir débutée ! Son planning de travail ne lui permet pas de passer 6 mois à temps plein pour établir une seule éco-déclaration.

Et si améliorer un emballage pour la préservation de l’environnement n’est déjà pas chose simple, le pire arrive quand la réalisation s’avère contraire au but recherché. Tel a vu récemment sa contribution majorée de 100% pour avoir commercialisé des jus dans des bouteilles en plastique biodégradable parce que ses bouteilles, pourtant incluses comme toutes les autres dans les consignes de tri, n’ont pas de filière de recyclage. Un comble pour des bouteilles biodégradables ! Tel autre continue depuis des années à contribuer sur des mandrins de papier hygiénique biodégradables qui s’évacuent pourtant comme le papier toilette et n’encombre donc pas les poubelles… Il est vrai que les voies des filières de recyclage sont parfois ténébreuses.

Un producteur sera donc bien avisé de sérieusement s‘informer avant toute démarche innovante — et souvent courageuse — pour ne pas essuyer de mauvaises surprises.

Quant au remplissage des éco-déclarations, la simplification ne sera pas encore de mise pour les prochaines campagnes déclaratives. Elles demanderont encore et encore, beaucoup de patience et de méthode pour que les chiffres du recyclage puissent être exprimées au grand public !

Mesdames et messieurs les déclarants, à vos balances !

(1) Chiffres issus du rapport annuel 2017 de CITEO.

(2) En l’absence de matériau majoritaire à plus de 80%, chaque matériau distinct des emballages dits multi-matériaux devront en outre être détaillés !