La presse entre en douceur dans la REP papiers


Le décret relatif à la contribution des publications de presse aux organismes agréés de la filière à responsabilité élargie des producteurs de papiers est paru au Journal officiel du 6 juillet, en application de l’article 91 de la loi sur la Transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) d’août 2015.

Un décret très attendu par les collectivités locales en raison de la gestion d’un fort tonnage de déchets ménagers produit par la presse écrite.

Jusque-là exonérés d’éco-contributions, les professionnels de la presse s’étaient cependant engagés avec les pouvoirs publics, dès 2013, via une Convention d’engagement volontaire en faveur de la sensibilisation au tri et au recyclage signée avec les pouvoirs publics et l’organisme Ecofolio. La loi TECV rend désormais obligatoire la contribution des éditeurs de presse à la filière de Responsabilité élargie des producteurs en matière de déchets de papiers.

Le Décret du 5 juillet, suivant les préconisations présentées dans le rapport parlementaire de MM. Bardy et Miquel, précise les modalités d’application de la contribution. Celle-ci pourra être versée en tout ou partie sous forme de prestations en nature par la mise à disposition d'encarts publicitaires destinés à informer le consommateur sur la nécessité de favoriser le geste de tri et le recyclage du papier.

Cette contribution en nature est soumise au respect d’au moins un des quatre critères suivants, comptant chacun pour un quart de la contribution financière que les donneurs d’ordre auraient dû acquitter :

  • La composition du papier des publications devra être, jusqu’au 31.12.2019, exclusivement en fibres recyclées, ou issues de forêts durablement gérées et, à compter du 1.01.2020, contenir un pourcentage de plus de 50% de fibre recyclées et le reste issues de forêts durablement gérées ;

  • La publication ne comportera pas plus d’un élément perturbateur de recyclage ;

  • L’affichage en caractères apparents sur la publication des informations relatives à sa composition.

Selon le rapport Bardy et Miquel précité, cette contribution, financière ou en nature, devrait – avant application de l’éco-modulation – représenter l’équivalent de 32 millions d’euros de contribution supplémentaires pour l’éco-organisme Ecofolio, soit près de 40% de plus que son budget annuel 2014.

Un arrêté à venir est sensé déterminer les modalités d’évaluation de la contribution sous forme de prestations en nature par équivalence au montant de la contribution financière due.

Si on peut se féliciter de voir la presse enfin concernée par le dispositif, cette mise en œuvre particulière et inédite de la REP en « nature » soulève toutefois certaines questions. Chaque année, conformément aux cahiers des charges des filières de déchets, un éco-organisme a pour obligation de développer et soutenir la communication auprès des citoyens. Cette obligation porte tant au niveau local via les dispositifs de soutiens aux collectivités, que national via le provisionnement de 0,3 % des contributions perçues dans l’année pour le financement des campagnes d’information nationales menées par l’ADEME, à due proportion entre les différents éco-organismes.

Ainsi, pour la partie en « nature » de ces contributions :

  • sera-t-il prévu des modalités de reversement pour les soutiens financiers aux collectivités locales ou les mesures d’accompagnement ?

  • des encarts publicitaires ciblés dans des journaux locaux pourront-ils être déployés ?

  • Avec ce dispositif de contribution en nature Ecofolio va bénéficier pour lui-seul de campagnes publicitaires très largement diffusées au niveau national et qui ne grèveront pas son budget. N’y a-t-il pas là un risque d’inégalité entre éco-organismes ?

Plus généralement, on peut s’interroger sur l’intérêt réel à marteler systématiquement dans tous les journaux un même message orienté uniquement sur les déchets de papier, alors que les différentes filières de déchets nécessitent tout autant — voire même plus ! — de communication pour faire progresser le tri et le recyclage sur notre territoire.

Nous attendons donc avec impatience les nouveaux barèmes amont des éco-organismes actuellement positionnés dans la course à l’agrément pour voir comment ils intègreront et valoriseront ces nouvelles contributions en nature.

A l’heure de l’ouverture à la concurrence dans les filières emballages et papiers, et l’arrivée de nouveaux Eco-Organismes, cette « REP presse » risque de ne pas simplifier les relations entre les organismes, les filières, les Collectivités…

Auteure : Christèle Chancrin – 27/07/2016

Vous pouvez consulter sur le site de Légifrance le Décret n°2016-917

Et le rapport parlementaire de MM Bardy et Miquel