Quand l'éco-modulation des contributions décourage l'éco-conception


Eco-contributions

29 juin 2021

La loi Agec a introduit de nombreuses mesures pour renforcer les bonnes pratiques en matière d’éco-conception.

Citons, notamment :

  • L’incorporation d’un taux minimum de matières recyclées dans les matériaux composant certains produits,
  • L’objectif de réemploi, réduction et réutilisation dit « 3R » dont le décret d’application a été publié le 30 avril dernier,
  • L’objectif de 100 % de plastiques recyclés d’ici 2025,
  • Et, bien entendu, l’interdiction de certains plastiques à usage unique qui oblige les producteurs à trouver des alternatives à ce matériau en particulier pour les emballages. Des objectifs, on le voit, fort ambitieux qui vont contraindre fabricants et producteurs à se lancer dans d’importants investissements. De manière générale, ce sont les emballages qui sont majoritairement impactés par ces mesures. Cependant, la traduction de ces mesures dans la tarification du barème Producteurs de l’éco-organsime en charge des emballages, CITEO, et notamment l’éco-modulation, ne laisse pas de surprendre. Les nouveaux bonus prévention ne sont plus aussi encourageants en 2020 - 2021 qu’avant et ont un résultat parfois plus que décourageant : au fil des années, le système est de moins en moins incitatif et de plus en plus coercitif…

Comme nous le soulignions déjà dans notre article publié le 20 décembre 2018 « La REP emballages : un outil pour l’éco-conception ? », le passage à la déclaration à l’UVC avait opéré un tournant peu favorable en termes d’incitation à la réduction du poids des unités d’emballages.

CITEO a également supprimé le bonus pour les mises en œuvre de recharges. Ces recharges ne constituent-elles pas un renforcement des dispositifs de réemploi et réutilisation comme l’encourage la loi AGEC ?

Le bonus pour l’amélioration de la recyclabilité des emballages a aussi été supprimé. Ainsi, les efforts d’éco-conception pour remplacer le plastique par du papier ne sont non seulement plus récompensés par ce bonus, mais pire, les Producteurs ont vu le montant de leur contribution bondir … le papier, étant par nature bien plus lourd que celui du plastique à iso-fonctionnalité !

Une étude effectuée pour un contributeur qui voulait remplacer sa barquette en PS par une barquette en papier a révélé une augmentation de 34 % de sa contribution : le poids de la barquette passait de 9,56 g à 26,17 g. En remplaçant le PS, qu’on ne sait pas encore recycler, par du PET, matière recyclable aujourd’hui, l’augmentation de la contribution est de 109 % : le poids de la barquette en PET s’élevait à 24,8 g.

Dans un contexte politico-environnemental de « plastic bashing », combien de fabricants/producteurs ont entrepris depuis quelques années d’éliminer ou de réduire significativement l’emploi de pastique dans la fabrication de leurs emballages ? Les producteurs pensent bien faire en faisant des investissements lourds pour l’éco-conception de leurs emballages… mais ne pensent pas toujours aux impacts financiers en termes d’éco-contribution. Et pourtant… Quelle mauvaise surprise pour ce distributeur qui a remplacé ses swifts de 0.03g en plastique servant à rattacher les étiquettes à ses produits par des liens en tissus de 1,5 g et vu sa contribution augmenter de 44 % ! L’éco-contribution sur les matières textiles ou le bois, même lorsqu’il s’agit de matières « naturelles » (le tarif CITEO ne distingue pas le tissu synthétique, d’un tissu 100 % coton) est réellement prohibitive. (Le tarif 2021 de CITEO sur les textiles est de 41,41 ct € soit un tarif quasi similaire à celui du plastique…)

On peut aussi rappeler le cas des plastiques PLA dont la teneur en plastique est faible versus ses composants d’origine naturels mais non recyclables et dont le compostage ne s’effectue que dans des conditions industrielles spécifiques. Pour ces plastiques, CITEO applique un malus de 100 % de la contribution de l’emballage.

La course à la réduction de plastique, qu’on ne cesse d’accuser d’impacts délétères sur l’environnement, se retourne in fine contre les producteurs et parfois même contre la cause qu’elle pensait défendre.

Pour finir, le bonus de 8 % pour l’apposition de consignes de tri complètes sur les emballages - indispensables aux bons gestes de tri des consommateurs ! – ne s’applique plus dès lors qu’une unité de l’emballage est soumise à un malus quel qu’il soit. Quel tsunami quand l’entreprise prend un malus pour les impressions contenant des encres minérales sur ses emballages papier alors que bien souvent elle ignore la composition des encres utilisées qui relève de la compétence des fabricants!

Comment entrer dans l’économie circulaire avec un barème qui, en pratique, ne prend pas vraiment en compte les bons paradigmes ? Certes, la simplification du barème déclaratif a été longtemps annoncée par CITEO, sauf que le passage à l’UVC n’a rien simplifié en pratique et qu’il se « recomplexifie » d’année en année, sans pour autant véritablement favoriser l’éco-conception pourtant totalement intégrée dans la Loi… On en reviendrait presque à regretter le barème détaillé en vigueur entre 2012-2016 : complexe, certes mais finalement presque plus incitatif.

Nous ne saurions trop rappeler, encore et encore, que le paradigme à suivre par les fabricants et producteurs dans la mise en œuvre de leur transformation vers l’économie circulaire, est de viser le « 100% recyclé et 100% recyclable ». Espérons que lors de la clause de revoyure du barème et du réagrément des éco-organismes, les principes imposés par la loi Agec seront davantage intégrés dans l’éco-modulation des barèmes.

Compte tenu de la difficulté que constitue la transformation d’un emballage, saluons la conscience écologique des producteurs qui, en dépit de barèmes éco-contributifs peu, voire même contre, incitatifs, se sont lancés ou se lanceront dans l’entreprise.

©Christèle Chancrin – Dirigeante E3 Conseil – Tous droits de reproduction réservés